Voilà une dizaine d’années que l’on nous annonce que les alicaments (aliments médicaments) sont l’avenir de l’industrie agroalimentaire. L’année 2005 aura été l’année de leur éclosion et ils sont désormais partout dans les rayons des hypermarchés. Très récemment, l’actualité est venue nous le rappeler avec l’annonce, par la mutuelle santé Maaf, de son intention de rembourser, sous forme de réduction de la prime annuelle, l’achat de produits de la marque Proactiv’ (huile, margarine et yaourts) du géant Unilever.
Mais les produits d’Unilever ne sont pas les seuls à mettre en avant des allégations santé : yaourts enrichis au bifidus actif, jus de fruits multivitaminés, céréales aux fibres de betterave, œufs aux acides gras oméga 3, barres vitaminées, lait enrichi en fer et en calcium… ce n’est plus une tendance, c’est une invasion.
Mais quels sont les bénéfices réels de ces alicaments ? Ils sont scientifiquement prouvés, nous dit-on… Mais la nutrition humaine est une science complexe, loin d’être totalement comprise dans son ensemble. La seule certitude que l’on puisse avoir est que l’alimentation ne peut pas être assimilée à l’ingestion de toute une série de nutriments, aussi scientifique qu’elle puisse être.
À nous qui prétendons qu’à de très rares exceptions près, tout se trouve dans notre alimentation (à condition, justement, de consommer très peu d’aliments industriels), à des doses qui ne présentent aucun danger ni aucun risque d’interactions nocives, les industriels de l’alicament répondent que notre mode de vie a changé, qu’on mange désormais un sandwich sur le pouce ou un plat en sauce bourré d’acides gras insaturés à la cantine et qu’il faut rééquilibrer tout cela pour vivre en bonne santé, grâce à eux.
Mais peut-on raisonnablement les croire alors qu’ils se sont toujours montrés plus préoccupés par leur compte en banque que par la santé de leurs clients ? La désinvolture avec laquelle ils ont introduit dans notre alimentation des conservateurs, des colorants, des arômes artificiels ou des exhausteurs de goût ne peut rien inspirer de bon.
La dérive des alicaments, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, présente toutefois quelques avantages pour les tenants des médecines naturelles. Car des millions d’euros d’investissements publicitaires seront bientôt consacrés à la promotion des probiotiques, des oméga 3, du thé vert ou des huiles essentielles… La plupart des substances qui seront mises en avant étaient, jusqu’ici, considérées comme de la poudre de perlimpinpin.
Elles seront bientôt portées aux nues. C’est inespéré. Par ailleurs, à trop vouloir revêtir les habits de la para-pata-péri-médecine, nos industriels ne se rendent pas compte à quel point cela peut se retourner contre eux, en avivant la suspicion sur leurs autres produits.
Les alicaments ne sont sans doute qu’une mode, une onde de surface qui n’a rien à voir avec la lame de fond des médecines naturelles. Cette vaguelette ne fait qu’accélérer le changement profond que nous vivons. Laissons les industriels surfer dessus et attendons, patiemment, qu’ils perdent l’équilibre. n
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